En l’espace de 2 ans et demi, c’est-à-dire de ses débuts à l’UFC le 6 novembre 2021 jusqu’à à sa victoire éclair contre Jamahal Hill le 13 avril 2024, Alex Pereira aura été en tout et pour tout champion dans deux catégories différentes à l’UFC (Middleweight et Light- Heavyweight).
Ceci, alors même qu’il était déjà double-champion de kick-boxing au Glory, dans les mêmes catégories de poids !
Une comparaison de Daniel Cormier, ex-champion et désormais commentateur-analyste pour la chaîne ESPN, décrit assez bien le personnage :
"Ce mec est littéralement Thanos (le méchant iconique des films Avengers). Il débarque de nulle-part, probablement du fin fond du Brésil, il commence à collectionner des pierres d’infinités, c’est-à-dire des ceintures de champion, et personne n’est en mesure de l’arrêter. Si Izzy (Israël Adesanya) n’avait pas ouvert sa gueule pour dire « Un jour, ce mec sera le genre de type à me regarder à la télé et à déclarer devant des ivrognes: j’ai battu ce gars une fois. », il (Alex Pereira) ne serait probablement jamais venu jusqu’ici."
Si la comparaison est en elle-même assez amusante, force est de constater qu’Alex Pereira est bel et bien devenu en très peu de temps une icône du MMA. Le brésilien s’est nettement démarqué au travers de ses KO spectaculaires, de sa rivalité anthologique avec Israël Adesanya, son main-event mémorable pour l’UFC 300 face à Jamahal Hill, ainsi que de sa personnalité très charismatique : jamais vantard, mais toujours avec la réplique qui tue.
De fait, alors qu’il a déclaré vouloir défendre une nouvelle fois son titre de champion chez les lourds-légers (peut-être face à Magomed Ankalaev ?), Poatan a également fait part de son souhait d’aller concourir chez les poids-lourds ; sous-entendant un futur choc avec Tom Aspinall, l’actuel champion intérimaire des Heavyweight.
Au vu de son ascension record à l’UFC et de son parcours hors-norme, peut-on oser l’imaginer devenir l’un des futurs GOAT (Greatest of all time, les meilleurs des meilleurs) du MMA ?
La définition varie bien sûr d’un observateur à un autre, mais à priori, pour figurer parmi la liste des GOAT du MMA, il faudrait combiner :
Un sens tactique irréprochable tout au long de sa carrière (Georges Saint-Pierre, dix ans d’avance sur tous ses adversaires d’un point de vue technique)
Des exploits sportifs extraordinaires (Anderson Silva et ses 16 victoires consécutives)
Un certain nombre de défenses de titres mondiaux (Jon Jones et ses seize titres mondiaux)
Un palmarès intouchable (Khabib Nurmagomedov, 29 victoires pour aucune défaites).
Jusqu’à présent, Alex Pereira ne coche qu’une seule de ces cases, celle des exploits sportifs extraordinaires. On parle tout de même d’un quadruple champion d’arts-martiaux, kick- boxing et MMA combinés !
De prime abord, il semblerait bien présomptueux de mettre Pereira à côté de Georges Saint- Pierre, Demetrious Johnston ou Jon Jones, précisément car il n’a que très peu de combats en MMA (Douze seulement, dix victoires pour 2 défaites).
De plus, son ascension a été grandement boostée par sa rivalité avec Israël Adesanya lors de leurs années communes en kick-boxing. En temps normal, aucun combattant n’obtiendrait un title-shot après seulement six combats professionnels, même avec un palmarès impressionnant dans une autre discipline. Enfin, son style présente plusieurs lacunes, notamment au sol, et même un chouïa en striking : rappelons que son combat contre Jan Blachowicz était fortement disputé, et que Jiri Prochazka menait la danse avant de recevoir le crochet signature du brésilien.
Supposons désormais qu’il parvienne à défendre son titre une nouvelle fois chez les Ligh- Heavyweight, puis qu’il réussisse ensuite à s’emparer de la ceinture des Heavyweight... Aurait-il alors plus de légitimité à figurer parmi les plus grands, même en remportant ces deux nouvelles victoires par KO ?
Rien n’est moins complexe.
À bientôt 37 ans, il y a fort à parier qu’Alex Pereira ne décide de prendre sa retraite s’il devient enfin le premier triple-champion de l’histoire de l’UFC. Il ne souhaitera probablement pas prendre le risque de ternir un tel exploit via de futures défaites. Ainsi, il n’aura été professionnel en MMA seulement dix ans, n’aura rejoint l’UFC qu’à 34 ans, aura obtenu son title-shot chez les Middleweight par un pur souci de hype (sa rivalité avec Adesanya faisant vendre), et aura comptabilisé deux défaites sur douze victoires : dont une par soumission lors de son tout premier combat professionnel !
Difficile de dire si le brésilien méritera bel et bien sa place au panthéon du MMA, car à y regarder de plus près, sa carrière apparaît semée de points noirs. Toutefois, pour reprendre les exemples cités plus tôt, Jon Jones quant à lui n’était-il pas dopé durant la totalité de sa carrière? Georges Saint-Pierre n’est-il pas revenu affronter Micheal Bisping chez les Middleweight car il savait pertinemment que ce serait un combat facile pour lui ? Anderson Silva n’a-t-il pas perdu 7 fois après son règne titanesque ?
Le débat relatif aux GOAT est sans fin, car chacun y ira de ses propres critères vis-à-vis des athlètes, de leurs carrières et de leurs performances.
Il y aura toujours un détail, une éventualité, ou une frustration sur laquelle s’arrêter.
Reste qu’ici, on est très curieux de découvrir la suite pour Alex Pereira, et qu’on rêve de le voir un jour devenir triple-champion, une première dans l’histoire de l’UFC.
Chama !
Par Pierre Yan.
Très bel article