Mis en lumière depuis plusieurs années, pays natal de plusieurs combattants invincibles tels que Khabib et Umar Nurmagomedov, du champion numéro 1 toutes catégories confondues Islam Makhachev, ou encore de l'actuel numéro 4 middleweight Nassourdine Imavov, le Daghestan, terre de champions MMA, suscite plus que jamais la fascination du public.
Mais qu'est-ce qui rend donc cette république fédérée de Russie, située dans le nord du Caucase, aussi importante dans le monde des arts-martiaux mixtes ?
Décryptage.
Viens au Daghestan, Cyril. Tu dois venir ici, rester 1 ou 2 ans, apprendre la lutte et apprendre à mieux te défendre. En France, vous n'avez pas ce passif.
En 2022, Khabib Nurmagomedov (ex-champion lighweight de l'UFC invaincu en 29 combats), s'adressait ainsi à notre Ciryl Gane national après que ce dernier se soit incliné lors de son combat face à Francis Ngannou. Cette défaite était majoritairement liée aux lacunes en lutte du Bon Gamin. Depuis, les propos de l'ancien champion ont fréquemment été repris sur les réseaux sociaux, plus encore lorsque Ciryl Gane s'est une nouvelle fois incliné par soumission face à Jon Jones en janvier 2023, après seulement deux minutes du 1er round…
Des propos de Khabib, une chose demeure certaine : la France n'a absolument pas le même passif en lutte et en grappling que le Daghestan. D'ailleurs, aucun pays au monde ne semble véritablement rivaliser avec cette province du Caucase, sauf peut-être le Brésil.
Depuis le début des années 2010, plus d'une quinzaine de combattants originaires du Daghestan et du Caucase se sont illustrés sur la scène internationale en MMA. Outre Khabib, il y a bien entendu Islam Makhachev (26-1, champion lightweight de l'UFC), mais aussi Magomed Ankalev (19-1-1, ex-challenger à la ceinture light-heavyweight de l'UFC), Umar Nurmagomedov (17-0, cousin de Khabib), Usman Nurmmagomedov (18-0, son petit frère champion lighweight du Bellator), notre cher Nassourdine Imavov (14-4, actuel numéro 5 des middleweight à l'UFC) ou encore le "lazy king" Abdoul Abdouraguimov (champion welter et middleweight de l'ares).
Du sacré beau monde ! Et encore, nous n'en avons énuméré qu'une partie, sans compter les autres combattants affiliés de près ou de l'un au Caucase, tels que Baki (Baysangur Chamsoudinov) ou encore Khamzat Chimaev, tous deux d'origines tchétchènes.
Pourquoi les combattants daghestanais dominent-ils à ce point le circuit professionnel mondial, et comment expliquer leur quasi-absence de défaites ?
Les raisons sont principalement sociologiques.
Le Daghestan est une république nichée au milieu des montagnes du Caucase, où la vie y est particulièrement dure (surtout l'hiver) et où une grande partie de ses habitants vivent dans des zones rurales à haute altitude, où l'accès à l'eau et à l'électricité est parfois difficile. Ajoutez à cela un certain nombre de guerres, mais aussi les répercussion terribles de la chute du bloc soviétique durant les années 90, et vous comprendrez mieux le mental d'acier dont sont pourvus la plupart des athlètes qui y grandissent. Les opportunités professionnelles s'y font rares pour réussir à bien gagner sa vie, ce qui explique pourquoi un très grand nombre d'hommes se tournent vers le MMA pour ensuite espérer faire carrière à l'UFC, ou dans d'autres ligues internationales telles que le Bellator ou le PFL.
Enfin, le Daghestan est une société essentiellement patriarcale ; les hommes y sont très vite éduqués à la confrontation et au combat, en plus de devoir effectuer leurs entraînements sur des terrains très montagneux.
Ci-dessous, un extrait à la télévision russe des entraînements qu'Abdulmanap Nurmagomedov, le regretté père de Khabib décédé en 2020, faisait suivre à ses combattants pour les préparer à leurs combats dans l'octogone. On peut notamment les voir courir, s'échauffer, et répéter leurs prises et techniques de lutte à des kilomètres d'altitudes…
Pour conclure, la place prépondérante qu' a longtemps eu le sambo dans le Caucase, ce sport de combat hybride né en Union Soviétique qui mélangeait déjà de nombreuses techniques de combats, y est sans doute pour quelque chose. Si les combattants daghestanais sont aussi dominants et complets, c'est probablement grâce à leur expérience précédente dans des sports de contact et de percussions, qui sont une norme culturelle dans leur pays. La pression perpétuelle qu'ils mettent à leur adversaire durant leurs combats, ainsi que leurs projections et leur façon de mener le combat au sol… tous ces éléments montrent bien le rôle capital qu'a joué le sambo dans la vie d'un grand nombre de combattants d'origines caucasiennes et daghestanaises.
Avec la dernière défense de titre d'Islam Makhachev face à Dustin Poirier ce mois de juin, et l'arrivée prochaine d'Umar Nurmagomedov dans le top 5 bamtamweight de l'UFC s'il venait à s'imposer face à Cory Sandhagen le 3 août prochain, nul doute que la dynastie daghestanaise a encore de longs jours devant elle.
Toutefois, contrairement à un préjugé en vogue chez une partie du public, les combattants daghestanais ne sont pas tous spécialisé en lutte ni en grappling, et certains choisissent au contraire de mener leurs combats debout, en pur striking. C'est notamment le cas de Said Nurmagomedov, ou du très intimidant Shara Magomedov (11 victoires par KO), qui a récemment mis KO Trocoli à l'UFC Fight Night en arabie saoudite.
Par Pierre Yan.
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