Si l'incroyable Youssef Boughanem a récemment fait parler de lui en passant d'une carrière extraordinaire en muay-thaï vers le MMA, rares sont en vérité les combattants de muay-thaï qui se risquent pleinement dans les arts-martiaux mixtes. Une peur aiguë d'aller au sol, un amour trop prononcé pour les percussions, ou tout simplement une affaire de contacts ?
L'influence du muay-thaï, cette variation thaïlandaise du kick-boxing qui autorise notamment les coups de coudes, les coups de genoux, et donne une grande priorité au clinch, est omniprésente dans l'histoire du MMA. Des champions reconnus comme Jon Jones, Anderson Silva, ou encore Demetrious Johnson ont tous incorporés des techniques de cette discipline dans leurs combats et plusieurs pionniers de ce sport tels que Wanderlei Silva se sont aussi démarqués par leur style de combat extrêmement féroce, trouvant leur origine dans le muay-thaï.
En effet, si l'on présume que le muay-thaï offre déjà de nombreuses armes et techniques qu'il est possible de mobiliser en MMA, le nombre de champions de muay-thaï à avoir concouru en MMA est pourtant bien moindre, comparé à d'autres disciplines sportives telles que le sambo ou le jiu-jitsu brésilien.
Pourquoi donc ?
Si le muay-thaï peut en effet sembler très analogue au MMA, il ne bénéficie pas tout à fait des mêmes codes, ni de la même exposition médiatique, et ne s'est pas démocratisé du tout de la même façon dans le reste du monde. Si l'on peut en effet voir fleurir ci et là des compétitions et tournois de muay-thaï en Europe, le gros du circuit se situe majoritairement en Asie, et plus spécifiquement en Thaïlande. Pour atteindre le plus haut niveau dans le muay-thaï, et espérer devenir champion, un long investissement se révèle nécessaire. Il est conseillé de déménager en Thaïlande afin de participer aux cours des meilleurs profs dans cette discipline, mais aussi de se confronter aux différents niveaux et exigences requises pour exceller dans ce sport.
De nombreuses années peuvent ainsi se révéler nécessaires afin de devenir champion ou championne de muay-thaï, et le monde très particulier de ce sport, avec ses exigences et sa pédagogie singulières, poussent généralement les athlètes à s'y focaliser, au lieu de s'essayer immédiatement à une nouvelle discipline sportive.
Bien sûr, plusieurs combattants de MMA ont déjà été combattants de muay-thaï ; tels que Ciryl Gane, Jiri Prochazka et Valentina Shevchenko à l'UFC, ou encore Aziz Hlali à l'Arès, mais rares sont en vérité les légendes de ce sport à s'être tournée pleinement vers le MMA, contrairement au kick-boxing…
Saenchaï, le Dieu vivant du muay-thaï qui appartient d'ailleurs à la même génération que Dominick Cruz, aurait pu devenir un véritable cauchemar pour les catégories flyweight et bantamweight, mais n'a jamais montré lé moindre intérêt à transitionner vers le MMA, restant profondément attaché à son sport d'origine.
Peut-être car les sensations de combat et l'adrénaline procurée par le muay-thaï ne ressemblent en rien à ce qui se retrouve aujourd'hui en MMA, malgré une violence que l'on penserait d'abord similaire en tout point.
Les contacts, le réseau et les connaissances faites dans le circuit du muay-thaï ne sont pas les mêmes que celles du MMA, ainsi, lorsque l'on ambitionne de transitionner de l'un vers l'autre, c'est un véritable retour à la case départ qui s'opère pour le combattant. On suppose donc que beaucoup d'athlètes ne sont pas prêts à effectuer cette transition, car elle impliquerait de laisser de côté toute une partie de leur répertoire, et repartir ensuite de zéro.
Certaines ligues mondiales de MMA essayent néanmoins de rassembler ces deux mondes lors d'un même évènement : c'est notamment le cas du One Championship, la plus grande ligue de sports de combats en Asie, qui organisent fréquemment des galas où figurent à la fois des combats de MMA, mais aussi des combats de muay-thaï. Ce fonctionnement astucieux peut ainsi faciliter la transition d'un combattant de muay-thaï vers les arts-martiaux mixtes, puisque celui conserve les mêmes connaissances, continue de se battre dans la même organisation, mais en concourant cette fois-ci dans une autre discipline.
Nous pensons que l'UFC, le PFL ou le Bellator devraient éventuellement songer à inclure des combats de muay-thaï et de kick-boxing sur certaines de leurs cartes.
En effet, lorsque l'on entend des discours de fans déclarant qu'un combat est ennuyeux lorsqu'il se déroule au sol, ou encore que les deux combattants manquent d'activité dans la cage, on se dit que le muay-thaï serait une superbe porte d'entrée pour ces observateurs en herbe ! Plus de coups y sont portés, les combats sont très dynamiques, et ce ne sont pas les KO qui manquent…
Ce qui rend le MMA aussi spectaculaire pour une partie du public se retrouve déjà dans le muay-thaï, alors pourquoi ne pas essayer de mettre ce sport davantage en avant ?
Bien sûr, de nombreuses négociations devraient alors intervenir pour réussir à mettre d'accord ces différentes organisations ainsi que les fédérations asiatiques de muay-thaï, mais nous pensons tout de même que le résultat serait très intéressant à la fois pour le public, mais aussi pour les combattants.
Cette suggestion ne se réalisera probablement pas tout de suite, pour d'évidentes raisons financières et logistiques…
En tout cas, si ce sont les coups de coude donnés dans les gencives, les tibias dans les côtes et les genoux portés à la mâchoires qui vous intéressent le plus, on ne peut que vous encourager à regarder le One Championship, qui organise fréquemment des galas mêlant muay-thaï et MMA !
Par Pierre Yan.
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