Si elle est aujourd'hui l'une des prises de soumission les plus connues du MMA, la kimura possède une histoire hallucinante, intimement liée à celle du ju-jitsu brésilien et de la famille Gracie, de laquelle est notamment issue le tout premier champion de l'histoire de l'UFC : Royce Gracie !
Vous la connaissez sans doute, car il s'agit d'une des clés de bras les plus courantes dans les arts-martiaux mixtes, utilisée en outre par Khabib Nurmagomedov, Nick Diaz, Matt Hughes et même Francis Ngannou, mais connaissez-vous vraiment l'histoire de la kimura, cette technique particulièrement douloureuse à subir, mais aussi à voir ?
Si ce n'est pas le cas, laissez-moi vous conter le récit de cette prise emblématique du MMA, dont l'origine remonte à un célèbre combat ayant eu lieu à Rio de Janeiro en 1951...
Nous sommes donc à l'aube des années 1950.
Le monde entier se remet à peine de la seconde guerre mondiale, la guerre froide s'installe durement, le rock n' roll n'existe même pas encore, Mohammed Ali n'a même pas encore commencé la boxe, bref, c'est un autre monde, en tout point éloigné du nôtre !
Les arts-martiaux ne sont pas encore représentés dans le cinéma et la culture populaire comme ils le seront dans les décennies suivantes, et pourtant une grande rivalité commence déjà à naître entre deux maîtres : d'un côté le Japonais Masahiko Kimura, ceinture noire de judo, et de l'autre le Brésilien Hélio Gracie, ceinture noire de jiu-jitsu, et père-fondateur du jiu-jitsu brésilien.
Masahiko Kimura, né en 1917 et mort en 1993, est fréquemment considéré comme l'un des plus grands judokas à avoir existé. Si ses prouesses ont parfois donné naissance à de nombreuses légendes et affabulations, il était néanmoins l'un des tous meilleurs pratiquants d'arts-martiaux de son temps : ayant gagné trois fois de suite le championnat de judo du Japon, et n'ayant jamais perdu le moindre combat entre 1936 et 1950 !
De son côté, Hélio Gracie, Né en 1913 et décédé à 95 ans en 2009, était un maître brésilien du jiu-jitsu qui avec l'aide de son frère Carlos Gracie, ainsi que du reste de sa fratrie, développa une toute nouvelle variation du jiu-jitsu : plus centrée sur l'attaque et les différentes prises de soumissions. Cette approche novatrice sera baptisée par la suite "jiu-jitsu-brésilien", et deviendra l'un des arts-martiaux centraux pour nombre de champions et de combattants de MMA.
A l'époque, la rivalité entre Kimura et Gracie date déjà de 1949 : lors d'une première venue du judoka nippon et de ses proches au Brésil, l'un des protégés de Kimura s'était justement fait battre par Hélio Gracie lors d'un combat de grappling, ce qui avait naturellement laissé un goût très amer à Masahiko Kimura…
Désireux de retrouver son honneur après cette humiliation, Kimura a donc demandé à affronter personnellement Hélio Gracie chez lui au Brésil, et un combat monumental entre les deux maîtres fut donc programmé le 23 octobre 1951 au Stade Maracana de Rio de Janeiro, devant plus de 20 000 personnes !
Un grand nombre de célébrités de l'époque étaient présentes lors de l'évènement : notamment l'écrivain japonais Michiru Mishima, ou encore le président du Brésil Getulio Vargas, accompagné de son vice-président Joao Café Filho !
A l'intérieur du stade, la tension ne cesse de croître : lorsque Masahiko Kimura y franchit enfin les portes, il est accueilli par des œufs que lui lancent les fans de Gracie, et y reçoit également des salves d'insultes. Focalisé sur le combat qu'il s'apprête à mener face à Hélio Gracie en terrain ennemi, Masahiko Kimura ne prêtera pas attention à ces comportements très irrespectueux. Les fans de Gracie auront beau brandir un véritable cercueil dans la foule pour signifier à Kimura qu'il perdra son combat, ce dernier ne s'en souciera pas, et débutera au contraire l'affrontement avec énormément de calme et de considération pour son adversaire.
Lors du premier round, Masahiko Kimura domine largement Hélio Gracie, et parvient même à le rendre brièvement inconscient sans même s'en rendre compte ! Le champion brésilien se réveillera miraculeusement, et survivra de justesse à ce premier round malgré une blessure à l'oreille. Si Kimura avait initialement en tête de mettre KO Gracie en le jetant par terre, les matelas sur lesquels ils combattent sont cependant bien trop mous pour permettre à ce plan de fonctionner. Néanmoins, Masahiko Kimura a réussi à prendre le dessus sur Gracie durant les premières minutes de combat, et il déclare même à ses entraîneurs qu'il n'aura pas besoin d'un round supplémentaire pour venir à bout du maître brésilien !
Commence alors le deuxième round.
Gracie tente de projeter Kimura, mais ce dernier riposte en le faisant basculer au sol, l'y maintenant ensuite pendant près de trois minutes avant de lui écraser la tête de tout son poids ! Incapable de respirer, Gracie perd de nouveau connaissance, ce qui permet à Kimura de lui saisir le bras et d'effectuer une prise que l'on nommait alors "Gyaku ude-garami", mais qui sera justement baptisée par la suite "Kimura"...
Puisque Gracie ne s'incline pas, car il est alors inconscient, Masahiko Kimura va lui casser le bras en essayant d'obtenir une réponse de sa part, mais sans succès ! Kimura lui brise une nouvelle fois le même bras en le tournant dans l'autre sens, et les entraîneurs de Gracie décident aussitôt de déclarer forfait : Hélio Gracie était bel et bien neutralisé, inconscient, et incapable de poursuivre le combat.
Masahiko Kimura a ainsi infligé une défaite spectaculaire au fondateur du jiu-jitsu brésilien chez lui, au Brésil, devant plus de 20 000 personnes, en lui cassant deux fois le bras avec l'exact même prise !
Le judoka salua tout de même le courage et les qualités de Gracie à la fin du combat, et bien qu'il lui ait proposé une revanche au Japon, Gracie n'a cependant jamais donné suite à cette proposition…
Depuis, par simplification, la clé de bras connue au Japon sous le nom de "Gyaku ude-garami" a majoritairement été renommée et retenue dans le monde entier sous le nom de "kimura", en souvenir de ce superfight extrêmement médiatisé.
Depuis, la famille Gracie est devenue l'une des plus influentes dans l'histoire des arts-martiaux mixtes : son fils Royce Gracie est d'ailleurs devenu le tout premier champion de l'histoire de l'UFC, battant trois adversaires par soumission lors du même et unique tournoi en 1993 !
Une histoire riche, rocambolesque et très épique, que l'on espère vous avoir raconté au mieux !
Par Pierre Yan.
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