Discret, exigeant et arborant toujours un rictus énigmatique, Trevor Wittman est sans conteste l'un des coachs de MMA les plus réputés aux Etats-Unis. Grand architecte derrière les ascensions fulgurantes de Justin Gaethje, Kamaru Usman ou encore Rose Namajunas, qui est vraiment Trevor Wittman, et d'où tire t-il cette lecture si extraordinaire du combat ?
Traits anguleux, rictus mi carnassier, mi sarcastique, Trevor Wittman ne se laisse pas facilement déchiffrer : il affiche perpétuellement le même sourire curieux, y compris quand son combattant vient de subir une cuisante défaite sous ses yeux ! En revanche, il n'existe pas beaucoup d'entraîneurs capables comme lui de comprendre en une poignée de secondes les faiblesses et les atouts d'un combattant, et d'établir ensuite une stratégie payante pour son poulain.
Rappelant à certains égards le personnage incarnés par Clint Eastwood dans le film Million Dollar Baby, Trevor Wittman est devenu en quelques années l'un des coachs de MMA les plus aimés des fans de l'UFC, grâce à cette personnalité atypique et la façon phénoménale avec laquelle il parvient à faire progresser très vite ses athlètes.
Mais comment réussit-il à accomplir de telles prouesses ?
Né en 1974 à Denver dans le Colorado, Trevor Wittman ambitionnait initialement de devenir boxeur professionnel, avant qu'une inflammation pulmonaire ne vienne mettre un terme à ce rêve.
Déçu, mais ne souhaitant pas quitter le monde des sports de combat, Wittman se tourne alors vers le poste d'entraîneur, qu'il occupera dans un premier temps auprès de boxeurs locaux dans la périphérie de Denver.
Il fondera ensuite le T's KO Fight Club à partir de 1998, une salle de sport initialement axée sur la boxe, mais qui s'orientera petit à petit vers la pratique des arts martiaux mixtes et du grappling. Outre ses connaissances et ses facultés en boxe, Trevor Wittman a également pratiqué la lutte lors de ses années au lycée, ce qui lui a donc conféré une vision plus large du combat, ne se basant pas exclusivement sur le striking, qui reste tout de même sa spécialité.
En 2009, il ferme T's KO Fight Club afin de fonder le Grudge Training Center à Wheat Ridge dans le Colorado, où viendront s'entraîner Jon Jones, Shane Crawin (champion intérimaire des heavyweight de l'UFC en 2010), Rashad Evans, Justin Gaethje (champion intérimaire des lightweight de l'UFC en 2020) et Rose Namajunas (championne straweight de l'UFC en 2021).
Trevor Wittman prendra à nouveau la décision de fermer le Grudge Training Center en 2016, sans toutefois se départir de Justin Gaethje et de Rose Namajunas, qu'il continuera à coacher jusqu'à aujourd'hui.
Très intéressé par le matériel sportif, Wittman a notamment crée la marque ONX Sports, proposant un ensemble de gants, casques, protège-tibias et autres accessoires adaptés aux besoins et au confort des combattants, selon son expérience personnelle.
A partir de 2020, Trevor Wittman assistera le champion welterweight de l'UFC Kamaru Usman dans ses défenses de titres : l'aidant notamment à venir à bout de Gilbert Burns, Jorge Masvidal et Colby Covington. Les progrès d'Usman, surtout en matière de striking, sont tout simplement sensationnels : Wittman semble lui avoir transmis toute sa science du timing et de la précision des coups, permettant notamment au champion de mettre KO d'une manière spectaculaire Jorge Masvidal lors de leur revanche à l'UFC 261 !
Ce même soir, Rose Namajunas s'imposera elle aussi face à sa rivale chinoise Zhang Weili, grâce à un extraordinaire KO par high kick dès le premier round ! Trevor Wittman est alors sur les toits du monde : deux de ses trois poulains ayant respectivement défendu et obtenu un titre de champion du monde au cours de la même soirée !
Justin Gaethje, protégé de Trevor Wittman depuis ses débuts en MMA, présente lui aussi des progrès impressionnants dans son approche du combat : tandis qu'il se montrait jusqu'à présent très téméraire et assez brouillon, Gaethje s'est depuis transformé en un combattant beaucoup plus réfléchi et technique, parvenant à dominer en striking Tony Ferguson, Rafael Fiziev, Dustin Poirier ou encore Michael Chandler !
A l'instar de notre français Daniel Woirin, Trevor Wittman est lui aussi connu pour entretenir des liens très forts avec ses combattants ; restant toujours à leur écoute, se montrant compréhensif vis-à-vis de leurs besoins, mais aussi parfois de leurs peurs. Ainsi, lorsque Nate Marquandt, combattant qu'entraînait alors Trevor Wittman, lui déclare entre deux rounds de son combat contre Kelvin Gastellum qu'il n'a plus rien sur le cœur, et ne sera pas capable de continuer à combattre, Wittman décide immédiatement d'arrêter le combat ; montrant que la santé mentale et physique de son poulain lui importe davantage qu'une victoire sur un palmarès.
Concernant sa prodigieuse capacité à lire les combattants, et à en déterminer rapidement leurs atouts et leurs défauts, Trevor Wittman déclarait à ce sujet :
Tout est question de régularité. Les meilleurs combattants au monde sont ceux qui ne commettent aucune erreur. Et s'ils en font, ces dernières sont minimes, et n'influent en rien sur l'issue d'un combat. C'est comme ça que je fais progresser mes athlètes : en les forçant à ne pas faire d'erreur, car lorsque l'on est fatigué, que l'on a une baisse de morale, c'est là que l'on commet des erreurs, et donc, que l'on perd son combat.
Au delà de ce travail sur la consistance et la régularité, le passif de Trevor Wittman dans le monde la boxe a probablement beaucoup joué dans sa faculté à donner d'excellentes indications à ses combattants durant les phases de striking : on pense évidemment au magnifique décalage suivi d'un direct du bras arrière de Kamaru Usman sur Jorge Masvidal, geste aussi sublime que très technique, qui lui aura permis d'atomiser ce dernier en 2021.
Trevor Wittman n'entraîne désormais que très peu de combattants, privilégiant surtout un lien fort et une alchimie entre lui et ses athlètes pour fournir de belles performances dans l'octogone.
Si Wittman ne possède malgré tout pas un aussi grand nombre de champions dans son écurie que Javier Mendez, son prestige rivalise toutefois avec ce dernier dans le monde du MMA, surtout aux Etats-Unis.
Par Pierre Yan.
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